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Traducere de: Luiza Palanciuc
Poésie
973-8475-97-X

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Dans le creux de la paume, le bonheur tremblant

Lorsque le bonheur arrive à refaire le chemin de retour, vers la vacance du blanc immaculé, lorsqu'il tremble dans le creux de la paume: le bonheur inconsolé est semblable à une torche - guide dans la traversée de l'horizon de la nuit, commencement et fin du voyage. « Qui reste derrière soi quand le chemin bascule? » Cette question porte l'écho de la syllabe initiale, de la « douleur d'être soi ». La poésie de Libert dit qu'il suffit que l'obscur se reflète de l'intérieur pour que la lumière soit, pour faire place à la transfiguration; c'est d'un pèlerinage dont il s'agit là, des manières d'apprendre la leçon de la nuit et de la mort.

Dans un certain sens, le bonheur inconsolé est une articulation du mouvement du solaire vers le sombre, vers l'endroit où « la lumière s'affaisse » et le « bonheur lèche ses plaies ». Une écriture déambulatoire, dans le même temps, car le mouvement se répète et organise l'intérieur du texte. C'est une nouvelle forme d'énonciation du principe du movere, qui, en lui-même, dit la dynamique, écoulement ou enchaînement, du mot écrit. Le poème devient ainsi un espace qui se laisse parcourir, qui véhicule une voix, est poiesis, l'acte même de l'écriture, genèse et ontogenèse de la connaissance.

Mais il arrive que, dans cet espace, le moi soit incertain, hésitant dans sa propre diction, car il ne se fixe pas dans une seule forme, mais il est destiné aux emprunts, éruptions, errements en tous genres: « pourtant quelqu'un / à l'intérieur de nous / frappe à la porte ». Que disent ces métamorphoses sinon le chemin intérieur, un temps de « fureurs et de murmures », lorsque « le noir nous rétrécit »? Quelque chose palpite ici, nous regarde et échappe au regard, au même instant; quelque chose qui s'ajoute, s'étend, se renverse sur les habits du monde, laissant s'entrevoir les signes d'une altérité radicale - un corps étranger, une intrusion, un point de faiblesse, qui fait place à la dislocation, à la terre « épelée aux vents des alphabets ». Ceci est le lieu de l'écriture; et Libert le ressent comme un sentier vers l'inconnu, qui se glisse entre les pages, jaillit lorsque l'on ne s'y attend plus.

Le poème ne saurait émerger ailleurs qu'à cet endroit où les traces sont creusées, par une entaille ou une déchirure. « Lame bleue du poème à glisser sous la peau » - dit Libert, et nous voyons comment le poème devient l'espace de la vie, mais de la mort aussi, de la contemplation active - cum-templari, où les termes restent ouverts à jamais: « Que sais-tu de ce poème qui vient, / révélé à lui-même en une ascèse douce? » Sans doute, Contemplari, et contemplata aliis tradere, disait-on autrefois. En poésie, cela signifie que le geste de l'écriture ne se réduit pas à une simple production d'« objets », mais entraîne avec lui celui qui écrit, comme celui qui lit, au-delà de la matérialité même des mots; cela signifie aussi que le poème peut parfois être la présence d'une absence - ab-sens: sens qui se grave, qui reconnaît une trace, en partant de laquelle un certain ordre verbal et temporel devient possible.

L'expérience poétique signifie, en d'autres mots, accueillir, aller au devant de, « nulle fuite, / mais passage / et permanence. » Passage - car le lecteur se soumet au texte (au sens littéral du mot - sub-jicere), comme on se soumet à une épreuve - avec son envoûtement, contrainte ou désillusion; mais aussi permanence, par ce que le poème découpe dans le monde et fait ressortir. Le poème est alors la trace de cette entaille, dans la chair vive quelquefois. Il porte avec lui des formes insolites, des silences qu'il faut savoir déchiffrer entre les lignes; quelque chose qui résonne autrement, si étrangement parfois, que rien ne saurait empêcher l'engourdissement ou la chute entre les mots de celui qui s'y introduit.

Le poème est « fer de lance jeté contre l'oubli », borne de la mémoire - qui mesure, telles les bornes kilométriques l'espace, l'altérité radicale du monde comme monde; il est « fenêtre / qui ne s'ouvre qu'à l'aveugle », l'acte pur de la vision, qui superpose l'image mnésique et l'image sensible. Cum-mémoration, pour ainsi dire, donc mémoire vous liant aux autres, lorsque l'expérience poétique devient expérience mnésique. Le bonheur inconsolé dit, finalement, la mémoire sensible où l'on ne peut rentrer qu'au prix d'un déplacement, d'un déséquilibre du corps vers quelque chose qui n'est pas du passé, mais passage, proximité et distance à la fois, le lieu de l'éloignement, mais aussi le lieu du rapprochement, la mise ensemble, dans un même univers mnésique, de l'émotion: co-motion.







Béatrice Libert est née 1952 à Amay-sur-Meuse (Belgique); membre de l'Association des Écrivains Belges et du Conseil International d'Études Francophones; correspondante du magazine culturel Pourtours (Marseille, Autre Temps); critique de poésie à L'Arbre à paroles; elle a collaboré avec des peintres, des graphistes, photographes et donné des récitals avec la harpiste Angélique Giorgio; a publié de nombreux recueils de poèmes, essais et nouvelles, dont: Invitation (Thalia, 1979), Parades (André De Rache, 1983), Vol à main nue (L'Arbre à paroles, 1998), Être au monde (La Différence, 2004), D'encre et d'écorce (avec les peintures de Jacques Clauzel, 2001), Le souffle (avec les gravures de Jean-Marc Lattion, 2002), Dalirium (avec les gravures de Raphaël Augustinus Kleweta, Anima Mundi, 2004).

1 commentaire

  • Ce surprinde?
    [membru], 17.08.2007, 16:38


    Poezia lui Béatrice Libert, o poezie care dezarmează prin simplitatea cu care lasă să transpară urmele unei treceri care nu trece, şi care poartă cu graţie semnele unei aşteptări pe cât de vane pe atât de ireductibile. O poezie « revelată sieşi într-o asceză tandră »
    Valenţele acestei poezii sunt însă greu de captat în versiunea lui Luiza Palanciuc.
    Ce surprinde la acest traducător totuşi avizat ?
    1. Dezinvoltura cu care foloseşte expresii inexistente.
    Dacă în limba română avem expresia « a ieşi la iveală », nu avem în schimb expresia « a-şi ieşi la iveală », folosirea de către traducătoare a acesteia din urmă sustrăgând disitihul din primul poem oricărei înţelegeri. In limba română se poate spune « a se da la o parte » dar nu « a lăsa la o parte », în acest ultim caz fiind de preferat să spui « a lăsa de o parte ». Nu putem traduce « vouer sa parole » prin « a-ţi da cuvântul », pentru care expresia complementară este « a-şi ţine cuvântul ». Nu putem de asemenea traduce « battre à contre-sang » prin « a bate împotriva sângelui », pentru simplul motiv că în limba română nu avem un procedeu echivalent de formare a cuvintelor prin compunere.
    2. Alegerea arbitrară a cuvintelor.
    Cuvântul "origine" este tradus astfel prin "facere"când în poem este vorba despre originea dinaintea facerii concretizată în gestul scrierii. « Délayant l\'heure » este tradus prin « ce ora o întinde », formulare care nu conoteaza, ci chiar denoteaza o dilatare a timpului pe când în poem e vorba despre o diluare a sentimentului timpului. Traducerea cuvântului « permanence » prin « neclintire », într-un context în care permanenţa şi nu neclintirea e contraponderea trecerii.
    3. Contrafacerile.
    Béatrice Libert crează o poezie care se oferă cu naturaleţe şi în care tensiunea se acumulează savant în câteva puncte cheie. Unul din ele, în primul poem, este creat de cuvântul « gerçure ». Traducerea acestuia prin « rană » echivalează însă cu o ratare a efectului poetic. Intr-un alt poem, traducerea cuvântului offrande prin « dar » crează o ambiguitate care nu se resoarbe la nivelul poemului. Prin inversiuni de tipul « Retezate, mâinile spun » în loc de « Les mains coupés disent », curgerea firească a poemelor încremeneşte în tot atâtea poze preţioase.

    Eu cred că Luiza Palanciuc are totuşi resursele necesare pentru a da o versiune corectă, literal şi literar, a poeziei lui Béatrice Libert.






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